Guidé par un koan
Une information m’est apparue de façon non linéaire. Pour la rendre partageable, j’ai dû la traduire dans le langage. Elle disait ceci : nous ne choisissons pas un guide de montagne parce qu’il saurait où nous emmener mais parce qu’il est déjà là où nous aimerions être.
Le guide déjà arrivé
Pour l’être les choses sont renversées par rapport à notre perception habituelle. Ce qui pour notre mental demande un trajet est immédiat dans l’être, déjà réalisé.
Le guide devient alors l’image d’une résonance dont les règles ne sont pas celles de la physique relativiste. Là où nous cherchons à aller n’est pas un point fixe comme un but ou une destination touristique c’est quelque chose qui nous ramène à l’intention du départ.
Ce koan arrête la pensée qui elle se projette pour des raisons pratiques dans quelque chose qui va advenir, ici par l’effort et la marche. Ce n’est pas un projet qui nous sommes et cela ne requiert pas un plan de vie.
Je et l’être
La chose qui revient à elle-même et pourtant fait preuve d’altérité est l’identité. Dans la mystique orientale c’est le suis, ni le je ni le moi. Pour autant le guide sous entend suis‑moi, que peut-il alors réellement signifier ?
Il faut pour notre subjectivité se projeter dans un je afin d’opérer de manière fonctionnelle dans le monde, au départ cela est nécessaire pour se différentier et je n’empêche pas d’être mais c’est le maintien de cette position seconde de l’être après le je qui entrave la perception de ce qui est.
Je n’est pas l’être, c’est l’être qui est l’être mais je prend appui sur l’être indifférencié pour se différentier et c’est ce à quoi le je fait retour après sa dissolution ou pendant une expérience mystique (éveil subi) ou dans les voies progressives de réalisation.
Mystique du langage
Cette expérience est mystique puisqu’elle peut se vivre sans que je ne puisse la vivre et pourtant je dira qu’il a vécu l’expérience mais parce que le langage et la pensée verbale associé charrient des représentations du monde, de par comment la grammaire s’est structurée, dans lesquelles nous en venons à croire que le réel est un effet du sujet.
Ce n’est pas faux mais partiel et se retourne très bien. Avec ce koan aux multiples vertus nous revenons au guide non pas au mouton, c’est à dire à ce qui guide et non ce qui est guidé mais est-ce aussi évident ?
Si en effet le guide est choisi parce qu’il est déjà là où nous aimerions être c’est qu’en arrivant à lui nous parvenons à destination qui pour notre projection est le point de départ. Au départ de toute projection il y a donc une présence réelle et c’est cela la réalité de ce que l’on vit.
Le guide opère ainsi quand il est lui-même guidé. Puisque c’est d’un guide de montagne dont il s’agit et que la montagne symbolise aussi l’être, le guide de montagne est guide de l’être, il est guidé par lui intérieurement. Et c’est parce qu’il est lui-même guidé par l’être qu’en sa présence nous y sommes ramenés et que la recherche s’arrête, c’est l’être que nous cherchons derrière nombreuses de nos sollicitations extérieures.
Égo et maturité
Sommes-nous alors les moutons de l’être ? Je peux répondre non. C’est à dire que là où nous avons mis l’être au service de l’identification à notre égo la chose se renverse et l’égo se met au service de l’être. Ce n’est pas donc pas être un mouton que d’aligner l’ordre des priorités mais une forme de maturité, là où le mouton ne se donne pas le choix de l’ordre.
Mais c’est comme si on pouvait très bien vivre sans cela qui est, sans la conscience d’être. En n’alimentant qu’une forme autarcique et en ne réalisant jamais (dans cette existence) ce que le monde cherche, l’autonomie réelle.
Le sentiment d’appartenance est une chose importante pour l’égo, c’est de notre attachement à lui comme socle de notre identité que nous nous attachons en priorité à qui nous sommes.
L’égo n’est pas un ennemi, sans lui nous serions morts et il n’est pas nécessaire de mourir pour revenir à l’être, de toute façon j’ai l’intime conviction que peu importe les pérégrinations nous y revenons tous quand c’est la bonne heure. Auquel cas les voies spirituelles ne sont pas supérieures aux voies dites matérielles, c’est comment nous faisons cohabiter les deux dans notre présent et notre vécu qui me parait être une nouvelle forme de pratique consciente. Ce qui fera l’objet d’un autre article.